Les Recettes d'Hugo

Les Recettes d'Hugo

Témoignage de Cécile, maman d'enfants allergiques

 

 

 

 

Cela fait un an que je communique avec Cécile, grâce aux réseaux sociaux.

Tout de suite, l'état d'esprit de cette maman et sa façon de voir les choses m'ont interpellée et j'ai trouvé nos discussions très agréables.

Hugo, mon mari et moi avons eu la chance de la rencontrer, elle et sa famille, "en vrai" au 1er Salon des Allergies Alimentaires et des Produits "Sans" et nous avons eu l'impression de discuter avec des personnes que nous connaissions déjà depuis longtemps !


Les allergies n'ont pas grand chose de positif, si ce n'est qu'elles nous permettent de faire de belles rencontres comme celles-là... et cela fait du bien !

Cécile a publié dernièrement sur un réseau social un texte exprimant son expérience de vie avec les allergies et son ressenti. Je l'ai lu avec grand intérêt et il m'a permis de mieux comprendre pourquoi nous avons autant "accroché" sur cette famille en avril dernier : malgré des personnalités et des quotidiens différents, nous menons le même combat contre les allergies et avons une philosophie de vie commune sur ce sujet.

Je suis persuadée que vous vous reconnaîtrez dans tout ou partie de ce témoignage, et que le positivisme qui s'en dégage vous sera bénéfique.

Bonne lecture !

 

 
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Chapitre 1 : des signes qui n'auraient pas dû tromper

 

 



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Nous avons découvert l'allergie de Rémi lorsqu'il avait cinq ans et demi.
Allergie sévère à l'arachide, degré 5 sur 6.

Mais, à y regarder de plus près, nous sommes passés à côté du diagnostic plusieurs fois. Si seulement nous avions su...
Nous avons eu beaucoup de chance que notre fils n'ait pas eu à faire face à un accident mortel.

Je repense en particulier à ce goûter de Noël en Grande Section où la maîtresse avait organisé des ateliers cuisine. Un groupe d'enfants dans la classe avait préparé des biscuits à la cacahuète. Je n'ose imaginer ce qui aurait pu se passer si Rémi avait fait partie de ce groupe.
Lors du goûter-dégustation, Rémi se rappelle très bien avoir refusé les biscuits proposés car ça ne lui disait rien. Heureusement que la maîtresse n'a pas insisté avec le traditionnel « Mais comment tu sais que tu n'aimes pas ? Tu n'as pas goûté ! » Il me raconte encore comment, alors que nous n'avions pas encore connaissance de son allergie, il s'était écarté de ses camarades car il était incommodé par l'odeur de ces cacahuètes.

 

Nous sommes une famille plutôt « bio ». A l'époque nous habitions en Normandie. Nos deux enfants sont nés à Coutances à treize mois d'intervalle. Très précautionneuse lors de mes deux grossesses, j'ai eu à cœur d'avoir une alimentation équilibrée mais sans régime particulier. Je n'étais pas une adepte de biscuits apéritifs, de cacahuètes ou de Nutella comme certains le disent pour plaisanter quand vous dites que vous avez un enfant allergique à l'arachide. Deux beaux bébés de 4,200 kg chacun à la naissance. Tous les samedis matins, les enfants m'accompagnaient au marché bio d'Agon-Coutainville : brocolis, épinards, potiron, carottes, … Tous les légumes de saison faisaient le bonheur de Rémi, enfant facile à vivre côté alimentation.

 

Rémi est né par césarienne car il se présentait en siège. Pendant les trois premiers mois, allaité puis rapidement complémenté par lait infantile, il présentait déjà des signes de peau atopique et des régurgitations.

A six mois, notre médecin généraliste  nous conseille de lui donner du lait « normal » demi-écrémé puisque nous avions commencé la diversification alimentaire.

A partir de là, pas de problème particulier. Mais, j'introduisais chaque nouvel aliment avec prudence… par peur d'une allergie !! Un sixième sens ?

Au bout de quelques mois, Rémi mangeait de « tout » mais toujours des repas faits  maison , plutôt nature . Peu de biscuits industriels ou de plats préparés. Une alimentation à l'ancienne certains diront.

Entre temps, Auriane, notre fille est née. Je ne l'ai malheureusement pas allaitée suite à une hémorragie post-accouchement qui ne m'avait laissé que peu de forces. Auriane n'a pas diversifié avant l'âge de 14 mois... C'était long ! Mais nous continuions notre fonctionnement habituel.

Puis, vers l'âge de 2 ans, Rémi a commencé à « faire » des bronchites asthmatiformes à répétition. Je « sentais » que quelque chose ne tournait pas rond. J'avais demandé au généraliste d'appuyer une prise de rendez-vous auprès d'un pneumologue. Il y avait un an d'attente pour un rendez-vous au service pneumologie d'Avranches. Mais le médecin généraliste a refusé et soutenait que notre fils n'était pas asthmatique.

En 2007, Rémi a 3 ans et demi et Auriane 2 ans ½. Nous déménageons et arrivons dans le Loir-et-Cher pour raisons professionnelles. Un soulagement au niveau médical ! D'autant plus qu'Auriane nous préoccupait aussi avec des otites à répétition. Diagnostic et prise en charge de l'asthme de Rémi par un pneumologue en cabinet de ville. Rendez-vous chez l'allergologue : mise en évidence d'allergies aux pollens.

Durant cette année-là, lors de son année de Moyenne Section, Rémi a développé un urticaire géant. Je me souviens avoir immédiatement soupçonné le goûter de l'école. Le généraliste a prescrit une prise de sang pour déceler une allergie alimentaire. L'urticaire est passé. Ce n'est que l'an dernier, en étudiant à nouveau cette analyse sanguine, que j'ai fait le lien. Pourquoi ni nous ni le docteur n'avons réagi ? Encore une fois passé à côté du diagnostic alors que la prise de sang était positive !

 

2008  Invités pour le week-end chez Tonton en Normandie, nous (les adultes) grignotons des biscuits apéritifs. Mon frère avait préparé quelques Curlys dans un bol pour nos enfants. Ils n'en avaient jamais mangés. Puis, Rémi, alors âgé de 4 ans, se plaint de mal au ventre. Il s'allonge comme terrassé. Nous pensons à un coup de fatigue ou un virus. Il part se coucher sans manger. Je passe la nuit avec lui, rien de particulier. Le lendemain, le malaise était passé. Encore une fois, passés à côté du diagnostic... Mon frère est pourtant interne en médecine à cette époque.

 

Enfin, juillet 2009. Début des grandes vacances. Je prépare des verrines pour mon mari et moi. Les enfants adorent cuisiner et me donnent un coup de main. Nous décorons le dessus des verrines avec des brisures de cacahuètes. Rémi et Auriane n'en n'ont jamais mangé. Ils n'en consomment pas mais m'aident à les disposer. A la fin, je leur demande d'aller se laver les mains. Rémi revient de la salle de bains les yeux larmoyants. Le pourtour des yeux est rouge. « Tu t'es mis du savon dans les yeux ? ». « Non, j'ai frotté mes yeux. » Nous avons tout de suite compris que notre fils faisait une réaction allergique. Je lui administre aussitôt un antihistaminique. Les yeux restent gonflés assez longtemps. Quelques heures plus tard, une toux d'asthme se déclare. Nous devons donner un bronchodilatateur.

Dès lors, rendez-vous chez l'allergologue... mais fin août !! Les verrines contenaient du concombre, du saumon, du fromage blanc et les fameuses cacahuètes. La spécialiste me conseille d'éviter ces aliments pendant deux mois en attendant les analyses de sang. Quel manque de réactivité ! Pourquoi imposer une telle contrainte à un enfant et toute sa famille ? Evidemment, nous ne sommes pas restés à rien faire. Nous nous sommes renseignés et de peur d'un accident nous avons évité tous les aliments qui étaient croisés. Un vrai calvaire !!

Fin août, prise de sang. Le diagnostic est tombé comme un couperet : allergie sévère à l'arachide. Eviction totale même pas droit aux traces. Je me rappelle avoir pleuré en cachette dans la voiture. Pourquoi mon petit garçon ? Qu'avait-on fait pour qu'il mérite ça ? Le plus gentil des petits garçons au monde...


 

Chapitre 2 : La phase de culpabilisation


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Je n'ai pas allaité assez longtemps.

J'ai trop fait attention à mon alimentation et à l'hygiène pendant ma grossesse.

Je lui ai trop lavé les mains.

J'ai stérilisé ses biberons trop longtemps.

J'ai trop cuisiné « maison ».

Que de reproches ai-je pu me faire en tant que maman !!!

Reproches d'autant plus renforcés que notre fille Auriane est aussi allergique alimentaire... mais au kiwi. Son allergie a été diagnostiquée à l'âge de 4 ans en avril 2010 soit 8 mois après celle de Rémi. Après une première dégustation de ce fruit, maux de ventre intenses.

Autant dire que nos connaissances sur les allergies nous ont aidés à identifier tout de suite les symptômes !

 

Que de reproches ai-je pu me faire en tant que maman !!! Je cherchais et je cherche encore une explication.
Les diverses hypothèses avancées dans les reportages et documentaires me laissent perplexes sur les choix que j'ai pu faire en tant que parent et sur l'évolution de notre société.

Je me demande souvent pourquoi, nous, consommateurs assez responsables, nous nous retrouvons dans cette situation alors que d'autres, qui se préoccupent moins de ce sujet, n'ont pas à vivre ce calvaire.

Combien de fois ai-je pensé « Ce n'est vraiment pas juste. » Paradoxalement, j'avoue qu'observer le développement des allergies dans le monde me « rassure ». Ou me déculpabilise ? Finalement ce n'est peut-être pas de ma faute...

 

 

 

 

Chapitre 3 : la traque aux allergènes : paranoïa ou stratégies d'évitement ?


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Suite au diagnostic de l'allergie de Rémi, à la maison, cela n'a rien changé fondamentalement. Nous consommions correctement par rapport à l'allergie de Rémi. C'est sans doute pour cette raison que nous n'avons pas décelé son allergie plus tôt.

L'éviction totale sans traces nous met quand même sous pression. Nous achetons moins bio par manque de traçabilité pour certains produits et par peur des contaminations croisées.

Nous ne nous fions qu'à certaines grandes marques et enseignes qui nous répondent par courrier et qui nous certifient l'absence de traces dans leurs produits.

La sécurité prend le dessus sur la qualité et nos convictions de consomm'acteur.

Notre société de consommation par ses excès ne favorise pas la sécurité alimentaire. Bon nombre d'accidents sont à déplorer liés à la présence surprenante d'allergène dans certains produits. Qui soupçonnerait la présence d'arachide dans un jus d'orange ?

Plus les enfants grandissent, plus la liste des restrictions s'allongent. Nous craignons que Rémi développe d'autres allergies en particulier celle aux fruits à coque, comme c'est souvent le cas pour les allergiques à l'arachide. Nous évitons un maximum tous les aliments croisés.

Sans compter l'impact de cette allergie sur notre qualité de vie à tous : plus de sorties avec repas ou collations improvisés.

A l'extérieur, le panier-repas suit les enfants. Je dis bien « les » enfants. Dommage collatéral de taille : notre fille Auriane se trouve soumise au même « régime ». Lorsqu'un des deux enfants est allergique sévère, il est difficile au début de différencier la fratrie. Tellement d'injustices et de frustrations sont ressenties par l'enfant allergique qu'il est plus facile pour les parents d'englober la fratrie. De plus, nous avons peur qu'elle aussi développe ces allergies. Puis,  comme pour nous donner raison à ce moment-là, nous découvrons cette même année qu'elle est allergique au kiwi.

Ce fonctionnement est une étape qu'il faut vivre mais qui ne doit pas perdurer. Arriver à le surmonter très rapidement est salutaire pour la construction de tous.

« Heureusement », la collectivité et l'école aident si on peut dire, obligent devrait-on dire, à franchir ce cap. Vivre son allergie en société, la confrontation aux autres, la prise de conscience de sa différence et de sa frustration sont sans doute les moments les plus douloureux pour les enfants allergiques. Cela permet à l'enfant et à ses parents d'évoluer... même si on ne s'y fait pas.

C'est là qu'un effort particulier doit être engagé pour le bien-être des personnes allergiques : l'information et l'éducation des personnes non-allergiques.

Combien de personnes pensent encore que les allergies sont des caprices ou des modes ? Trop !

Combien de personnes pensent encore qu'un peu de ceci ou un peu de cela ne lui fera pas de mal ? Trop !

Combien de personnes pensent encore que « tant pis il ne peut pas en manger ce n'est pas  grave » ? Trop !

Sans oublier les initiatives pas toujours bienheureuses de bon nombre d'adultes entourant votre enfant. Ainsi, j'ai récupéré un jour notre fils à la fin d'un entraînement de basket. Avec effroi, je m'aperçois qu'il a consommé un gâteau maison gentiment apporté par une maman. Rémi en a consommé sur sollicitation de son entraîneuse. Lorsque je demande à cette dernière, infirmière de métier, pourquoi elle l'y a autorisé, elle me répond qu'elle a demandé à la maman s'il y avait de la cacahuète. Mais que fait-elle des traces qui auraient pu être présentes dans les autres ingrédients du gâteau ?!

Beaucoup de personnes pensent que les allergiques sont paranoïaques. Je crois qu'ils sont tout simplement bien plus informés que la moyenne. D'où l'importance d'informer et d'éduquer la société...

 

 

 

Chapitre 4 : Tu ne peux pas tout manger mais tu peux tout faire

 

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Dilemme : quand on a un enfant allergique le défi est de rester ouvert mais le « danger » c'est les autres.

 

Et puis il faut faire face, rebondir, montrer à notre petit garçon qu'il ne peut pas tout manger mais qu'il peut tout faire...et sans nous ! Que c'est dur de confier son enfant allergique en sachant que les adultes responsables ne soupçonnent pas le dixième des précautions à prendre pour éviter l'accident !

L'école c'est les goûters d'anniversaire, la cantine, la garderie, les voyages scolaires, la semaine du goût. L'angoisse pour les parents !!

Pour les non-initiés, un allergique sévère n'a pas le droit de consommer des traces de l'aliment auquel il est allergique. Le moindre contact cutané pour provoquer des réactions très graves. L'ingestion même minime soit-elle peut le mettre en danger de mort par choc anaphylactique.

Voici quelques pensées angoissantes de parents d'enfants allergiques sévères qui n'ont pas droit aux traces :

- pourvu qu'un camarade ne mette pas de la nourriture en cachette dans l'assiette de notre enfant

- pourvu qu'à la récréation il n'accepte pas un morceau de goûter d'un camarade

- pourvu qu'au pique-nique il n'y ait pas de biscuits salés à la cacahuète ni de M&Ms

- pourvu qu'au nique-nique (ou à la récréation) les autres ne le touchent pas ou ne l'embrassent pas après avoir mangé

- pourvu que les enfants n'échangent pas leur crème solaire

- pourvu que les enfants ne boivent pas dans la même bouteille

- pourvu que le couteau qui a servi a coupé les autres aliments ne servent pas pour le repas de Rémi

 

A la cantine, peu de collectivités et de sociétés de restauration fournissent des repas garantis sans allergènes de peur d'être traînées en justice en cas de réaction. Les parents doivent fournir le panier-repas... s'ils ont la chance que celui-ci soit accepté. Ce qui n'est pas toujours le cas. Rémi ne mangeait pas à la cantine avant le diagnostic de son allergie. Mais, pour lui montrer qu'il pouvait faire comme ses camarades, nous l'avons inscrit une fois par semaine l'année suivante.

 

Nous vivons à cette époque-là la rentrée de Rémi au CP. Malgré la pression et l'angoisse, nous voulons lui montrer que son allergie ne doit pas le pénaliser. Nous positivons au maximum et trouvons des astuces pour pallier à toutes les situations imprévues. Je me promène en permanence avec un sac à main… euh un bagage à main comprenant la trousse de secours et une quantité de friandises, de biscuits et chocolateries en tous genres... mais sécuritaires et autorisées. A ce moment-là, même acheter un pain au chocolat dans une boulangerie inhabituelle nous pose problème.

La trousse de secours ne nous quitte jamais. C'est encore plus compliqué pendant les vacances et l'été. En effet, l'adrénaline, substance injectée par piqûre en cas de réaction anaphylactique, est une solution instable qui craint la chaleur. Il faut sans cesse trouver des solutions pour la maintenir à une température de 20 ° C maximum. Et je peux vous assurer que ce n'est pas chose aisée tout un après-midi sur la plage en plein été dans le Sud.

L'allergie alimentaire implique beaucoup d'organisation au quotidien. Anticiper, toujours anticiper. Contrôler, toujours contrôler.

 

A l'école, des gâteaux d'anniversaire arrivent de manière impromptue. Nous fournissons une mallette avec des biscuits et des bonbons sécuritaires que Rémi peut partager avec ses camarades de classe pour positiver. Bref, nous nous adaptons.

Rémi est un petit garçon obéissant mais il n'est pas très affirmé. Il est encore jeune pour comprendre les enjeux de son comportement par rapport aux aliments. Une récente discussion avec lui me confirme ce que je craignais à l'époque : malgré nos explications, il ne discernait pas ce qui était dangereux pour lui ou pas.

Lorsque j'étais en CP, mon copain Matthieu (non-allergique) me demande:

- Si je touche ta boîte à bonbons, est-ce que tu vas faire des boutons?

- Non car il y a la boîte qui me protège!

- Mais ils (les allergènes) peuvent monter par-dessus !

Dialogue qui n'a guère de sens au prime abord mais qui montre bien que la notion de contact avait été intégrée...chez le copain! Que c'est important que les enfants et les jeunes puissent parler entre eux avec leurs mots de leurs ressentis et de leurs interrogations avec un adulte disponible qui apporte de manière opportune des précisions.

Une école des allergies alimentaires devrait exister dans chaque hôpital. Développer des réseaux d'échange allergiques + non-allergiques serait aussi bénéfique pour tous.

 

Invité à un goûter d'anniversaire, il faut prévoir d'amener un gâteau et des confiseries de secours au cas où ceux de la famille hôte ne conviendraient pas, vérifier les boissons et les bonbons.

Au début, certaines familles ont hésité à inviter Rémi. L'allergie fait peur et dérange.

Il faut beaucoup d'énergie aux parents pour que leur enfant allergique puisse développer des liens sociaux pourtant si primordiaux à cet âge-là : dialogue, explications et informations réitérées à maintes reprises. Se montrer rassurant avec les familles qui accueillent tout en leur expliquant l'importance de certaines précautions élémentaires... et qu'à l'intérieur vous imaginez le pire.

On doit également montrer la trousse de secours avec la quasi-certitude que les parents à qui vous confiez votre enfant ne sauront pas s'en servir ou détecter les premiers signes d'une réaction allergique.


Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que cela devait vraiment être difficile pour notre fils mais apparemment, avec le recul, il ne semblait pas trop affecté par cette situation.

Quand je ne pouvais pas manger les gâteaux comme les copains, je n'étais pas très triste, juste un peu. Je savais que je pouvais manger autre chose et le partager avec mes copains. Aux anniversaires chez les copains, mes amis adoraient le gâteau de Maman.

 

A la cantine, peu de collectivités et de sociétés de restauration fournissent des repas garantis sans allergènes de peur d'être traînées en justice en cas de réaction. Les parents doivent fournir le panier-repas... s'ils ont la chance que celui-ci soit accepté. Ce qui n'est pas toujours le cas. Rémi ne mangeait pas à la cantine avant le diagnostic de son allergie. Mais, pour lui montrer qu'il pouvait faire comme ses camarades, nous l'avons inscrit une fois par semaine l'année suivante.

 

A la cantine ou lors des repas pris en collectivité (séjour classe verte), nous nous arrangeons toujours pour connaître les menus à l'avance et fournir un panier-repas et composer un menu identique pour éviter l'envie ou les remarques des autres enfants et pour que Rémi soit le plus intégré possible.

 

Les repas chez les amis et la famille sont des moments difficiles. Le sujet de conversation est évidemment éternellement le même : l'allergie de Rémi.

Les proches, par manque d'information ou de tact, ne comprennent pas toujours les précautions que nous devons prendre : lavage de mains après l'apéritif (le visage de Rémi rougit au contact de la moindre trace), vérification des couverts et de la composition du menu. Au début, nous préférons gérer avec des paniers-repas que nous amenons systématiquement lorsque nous sommes invités. Puis, les enfants grandissent et participent davantage à notre vie sociale. Nous informons et contrôlons par avance ce qui sera servi chez nos hôtes.

Malgré ces précautions, nous nous retrouvons parfois dans des situations parfois rocambolesques.

Quelques anecdotes croustillantes et à peine croyables nous viennent à l'esprit. Nos proches nous redemandent régulièrement ce que nous pouvons manger. Nous avons même établi une liste de marques sûres pour leur faciliter la tâche. Ils nous rassurent quant à la composition des menus, épluchent les étiquetages des produits qu'ils achètent. Arrivés chez eux, pleins de bonne volonté, ils nous montrent les emballages pour être sûrs que les produits que nous allons consommer sont sécuritaires...mais nous servent des cacahuètes à l'apéritif ! L'éducation des non-allergiques est primordiale encore une fois.

 

 

 

Chapitre 5 : quand les patients se prennent en charge pour se soigner

 

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NB : Ce récit ne vise pas à dénigrer la pratique des allergologues. Loin de là ! L'objectif est de montrer, par notre parcours, que l'accès aux soins et à l'information médicale en termes d'allergies alimentaires est très variable selon la situation géographique des patients.

 

Les années passent... Quelques alertes viennent nous rappeler que d'autres allergies peuvent survenir à tout moment. Un urticaire qui nous amène à soupçonner le blé puis finalement une légère allergie à l'oeuf (au blanc cru) qui serait passée peut-être inaperçue si nous n'avions pas fait d'investigations pour le gluten. Verdict de notre allergologue de l'époque : éviter de consommer du blanc d'oeuf cru (île flottante, œuf à la coque,...) alors que nous en consommons régulièrement.

 

Nous nous tenons informés de ce qui se passe ailleurs. Nous découvrons que, dans les pays tels que le Canada où la problématique de l'allergie alimentaire est beaucoup plus présente, les chercheurs et les spécialistes débutent de nouvelles prises en charge de l'allergie alimentaire : l'immunothérapie. Il s'agit de tester le seuil de tolérance d'une substance allergène et de le faire progressivement augmenter. Cela permet à des allergiques sévères de supporter des traces d'allergènes de plus en plus importantes sans pour autant parler de guérison.

 

La médecine progresse aussi dans notre pays mais pas partout en France. Alors que dans certaines grandes villes les enfants allergiques commencent à bénéficier de protocoles de « désensibilisation » pour faire évoluer leurs allergies alimentaires, nous avons beaucoup de mal à nous informer dans notre secteur. Pire encore, nous interrogeons notre allergologue qui nous « intoxe » plutôt qu'elle nous informe . « Cela ne se fait pas pour l'arachide, il faut poursuivre l'éviction totale ». Exaspérés par ce manque de réactivité...

 

Scandalisés par le manque de dialogue et d'information. Une étude a montré que l'attitude du médecin avec son patient compte pour beaucoup dans le guérison de ce dernier. Je n'en doute pas.

 

Découragés, c'est par un heureux hasard que nous allons nous orienter et prendre un autre chemin qui va changer radicalement notre quotidien depuis janvier 2013.

 

Suite à un programme télévisé « spécial allergies », nous prenons rendez-vous chez un allergologue à Paris qui, en témoignant sur le plateau de l'émission, nous a semblé être dans la recherche et le « courant » actuel de prise en charge de l'allergie alimentaire. Nous mettons en place un « protocole » de désensibilisation très modeste mais qui permet maintenant à Rémi de consommer des traces. Consommer des traces ne signifie pas consommer de la cacahuète ou de l'arachide dans les plats. Seulement, il n'est désormais plus nécessaire de contrôler la traçabilité et les contaminations éventuelles dans les usines ou pendant le transport. Il « suffit » de contrôler qu'il n'y ait pas d'arachide, de cacahuète dans le menu ou dans la composition des sauces, des entremets et autres desserts.

 

Le champ des « tu peux » est ouvert : tu peux manger comme les copains à la cantine, tu peux manger  le gâteau d'anniversaire si la maman n'a pas utilisé de cacahuète, tu peux aller au restaurant, tu peux partir sans prendre un sac de nourriture de secours, tu peux acheter des pâtisseries du moment qu'elles ne contiennent pas de cacahuète,...

 

Rémi consomme également à nouveau des quantités croissantes mais relativement petites des allergènes croisés à l'arachide. En ce qui concerne les autres « petites » allergies (moutarde, noisette, blanc d'oeuf décelées à la prise de sang mais sans symptômes), sur conseil de ce médecin, nous entreprenons de réintroduire de petites quantités pour maintenir un seuil de tolérance correct.

 

Evidemment nous nous méfions encore de beaucoup de choses : sauces en tout genre, nougatine, éclats de fruits à coque sur certains desserts de peur que par économie ce soient des arachides.

 

Rémi vit beaucoup mieux son allergie au quotidien même si nous lui apprenons toujours la prudence.

 

La responsabilisation est très importante pour l'enfant allergique qui grandit. Responsabiliser mais pas culpabiliser ni angoisser.

 

De lui-même, Rémi est capable d'identifier bon nombre d'aliments qui peuvent lui poser problème.

 

Nous pensons que, pour mieux éduquer son enfant allergique, il est essentiel de lui faire vivre un maximum de situations en notre compagnie de manière à ce qu'il puisse adopter le meilleur comportement possible en notre absence par la suite.

 

« Maintenant je peux manger à la cantine pratiquement comme les autres et ça me suffit beaucoup !! »

 

 

 

Chapitre 6 : les difficultés de l'immunothérapie (allergie alimentaire) pour l'enfant et sa famille


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Ce « médicaliment » n'est pas toujours bien accepté par le jeune patient.

La prise de la dose d'allergène n'est pas très facile à comprendre pour un enfant. Pourquoi dois-je avaler un peu de cet aliment alors qu'il peut me mettre en danger de mort au quotidien ? Comment se fait-il qu'en prenant mes doses je sois toujours allergique ?

 

Pour en avoir parlé avec plusieurs enfants,  les enjeux ne sont pas perçus de la même façon. Les objectifs ne sont pas identiques.

 

Quand les parents se contentent du répit accordé par la tolérance des traces, l'enfant lui a d'autres ambitions pas toujours réalisables. « Moi ce que je veux c'est ne plus être allergique ». Dialogues et explications fournis sont parfois insuffisants à la compréhension. L'immunothérapie fait naître un espoir de guérison chez l'enfant. Il est essentiel de ne pas le leurrer si tel n'est pas le cas.

 

Après quatre années d'éviction totale et de traque aux allergènes, il n'est pas aisé de mettre ses craintes de côté. L'angoisse persiste et les réflexes de protection aussi. Autant pour l'enfant que pour son entourage. D'autant plus que certaines dangerosités persistent. Par exemple, Rémi reste très réactif au niveau cutané. Une poussière d'arachide sur la joue ou les yeux provoquent rougeurs et gonflement. Au niveau des doigts, rien. Etrange mécanique que le corps humain...

 

La même dose prise depuis plusieurs mois sans problème peut un jour provoquer des réactions très déstabilisantes. Il faut savoir observer et adapter le protocole de manière très réactive en fonction des aléas de la journée ou de la semaine(fatigue, rhume, attaque pollinique,...) qui baisse les défenses immunitaires de l'allergique.

 

La prise de la dose d'allergène est aussi une « contrainte » dans l'organisation de la journée. Il y a des consignes de sécurité à respecter : pas avant le sport, à un moment calme de la journée, sous surveillance pendant une heure,...

 

Nous veillons à responsabiliser notre fils. Nous souhaitons que Rémi soit partenaire dans cette démarche. Mais cela n'est pas toujours évident. Valoriser ses efforts quotidiens, lui rappeler que tous les enfants ont leurs petits soucis et leurs différences, partager avec lui au maximum les expériences des autres allergiques, tels sont pour l'instant les seuls moyens que nous ayons trouvés.

 

 

 

Conclusion et perspectives

 

Comme toute maladie chronique, l'allergie alimentaire empiète sur la qualité de vie du patient au quotidien.

Le danger est de s'enfermer et de vivre dans une spirale négative dont le refrain serait « je ne peux pas car je suis allergique ».

Certes l'allergie est un handicap et elle devrait être reconnue comme telle. Cependant elle ne devrait pas être un fardeau.

Il n'y a rien de positif dans le fait d'être allergique mais une « positive attitude » permet au patient de le vivre plus sereinement, d'envisager sa vie et son avenir normalement. A cette fin, le rôle de l'entourage et de la société est décisif. Créer des réseaux de partage et d'échange entre allergiques est un bon moyen. Vivre au sein d'une société consciente de ce problème reste un défi à relever.

 



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29/07/2015
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